Hors collection - L'audition libre : de la pratique à la réforme - 37

LA rECoNNAISSANCE DE L'AuDItIoN LIBrE

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cette figure libre de l'interrogatoire dans le texte qui allait devenir la loi du
14 avril 2011. or, ni l'une ni l'autre de ces propositions n'avaient abouti.
L'avant-projet de réforme est resté lettre morte et la commission des lois de
l'Assemblée nationale a supprimé la disposition, préférant s'abstenir compte
tenu de la difficulté à déterminer les garanties applicables à cette audition
libre et en considération des doutes qui planaient sur sa compatibilité avec
la Convention européenne de sauvegarde.
Le Conseil constitutionnel avait-il réellement d'autre choix ? Décidant
d'examiner la constitutionnalité de l'audition libre, il ne pouvait qu'en
valider le principe. Le contraire revenait à rendre la garde à vue obligatoire, en faisant œuvre législative mais également, et peut être surtout, en
violation du principe de nécessité et de proportionnalité qui doivent guider
les mesures de contrainte en procédure pénale10. peut-être aurait-il pu, il est
vrai, s'interroger davantage sur le caractère libre de l'audition. Ce point est
à peine évoqué, le consentement du suspect à l'audition étant en quelque
sorte posé comme préalable, avec l'absence de contrainte, à la régularité de la
mesure. on sait pourtant ce que le consentement peut avoir de forcé lorsque
le suspect craint une garde à vue. Assez curieusement, d'ailleurs, le Conseil
constitutionnel ne tirera aucune conséquence de l'exigence qu'il pose, et
n'imposera pas la vérification de cette volonté coopérative. La décision du
18 juin 2012 lui en donnait pourtant l'occasion puisque le Conseil constitutionnel y admettait la possibilité d'une audition libre à l'encontre d'une
personne ayant fait l'objet d'une comparution forcée, ce qui laisse pour le
moins perplexe, quant au caractère libre de l'acte11.
Malgré tout, l'examen auquel le Conseil a procédé était nécessaire,
notamment parce qu'il s'est donné ainsi le moyen de se prononcer sur
une pratique, qui n'est pas anodine pour les libertés, née dans le creux du
texte. Nommée ou non, l'audition libre a toujours existé, sous couvert de
10. Même si la chambre criminelle n'est pas très exigeante relativement à la condition
de nécessité de la garde à vue, la CEDH veille néanmoins au respect de cette condition.
par ex., CEDH, 23 avril 2015, François c/ France, req. n° 26690/11. Sur cette question,
v. spécialement, ph. Conte, « placement en garde à vue et nécessités de l'enquête », Dr.
pén. 2015, étude 12.
11. Cette possibilité est désormais exclue par le législateur (art. 61-1 du Cpp), la comparution forcée chassant par hypothèse le consentement à une audition libre. pour autant, la
circulaire présentant la loi du 27 mai 2014 n'exclut pas l'audition libre en cas d'arrestation,
dès lors que la personne aura, ensuite, accepté de suivre les officiers de police judiciaire au
commissariat. V. Circ. 23 mai 2014 de présentation des dispositions de procédure pénale
applicables le 2 juin 2014 portant transposition de la directive 2012/13/uE du parlement
européen et du Conseil du 22 mai 2012, NorJuSD1412016C, BoMJ n° 2014-05 du
30 mai 2014, p. 8.
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