Hors collection - L'audition libre : de la pratique à la réforme - 62

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ENJEu D'uNE prAtIquE profESSIoNNELLE

mémoire la jurisprudence ancienne, mais bien établie, qui refusait l'annulation d'aveux obtenus au cours de l'enquête de manière contestable sous
le prétexte que cette violation n'avait pas fondamentalement troublé la
manifestation de la vérité.
2. De l'eau a depuis coulé sous les ponts, les lois des 4 janvier et
24 août 1993, puis la loi du 15 juin 2000 ou celle du 9 mars 2004 ont
progressivement bâti un droit du suspect au cours de l'enquête. La loi du
14 avril 2011 a renforcé ce mouvement, en reconnaissant explicitement à
la personne gardée à vue un droit à l'assistance et en confiant à l'avocat
un rôle d'acteur de la procédure pénale dès le stade de la garde à vue.
Cette évolution globale trouve ses ressorts dans le bain permanent du
droit européen des droits de l'homme, qui irrigue par capillarité notre
droit positif, mais aussi dans les coups de boutoirs de la jurisprudence
européenne, provoquant ici et là craquements de notre législation et
douloureux soubresauts. Sans doute ne doit-on pas également ignorer une
soudaine concurrence de nos juridictions suprêmes dans la revendication
de la défense des droits et des libertés publiques, même au-delà parfois des
exigences européennes. à l'évidence enfin, le phénomène d'extension des
droits de la défense en amont de la phase judiciaire du procès pénal a accompagné un développement des prérogatives du parquet et des hypothèses
de contrainte sur la personne. L'enquête préliminaire a ainsi été marquée
par un véritable renversement du principe traditionnel de non coercition
qui en fut longtemps l'essence.
3. La loi du 14 avril 2011 sur la garde à vue ne fut pas, loin s'en faut,
une révolution copernicienne, constituant davantage une étape destinée à
aboutir à un nouvel équilibre. Ce nouvel équilibre proposé était subtil, sans
doute marqué par le sceau du compromis, mais l'ensemble était mesuré
et montrait le souci du législateur de prendre en compte tous les intérêts
en jeu. Aujourd'hui et demain, la transposition des directives B et C du
parlement européen et du Conseil bouleversent à nouveau la donne, en
favorisant l'émergence standards européens et de principes directeurs
communs de l'enquête pénale. Conçu pour empiéter sur le nombre de
gardes à vue jugé trop élevé en france, le nouveau régime de l'audition libre
en est l'illustration la plus topique et conduit plus que jamais à repenser la
logique de l'enquête. En effet, l'audition de la personne suspectée, avec les
aveux qui peuvent le cas échéant en découler, apparaît de moins en moins
comme une fin en soi indissolublement connectée à une privation de liberté,
mais constitue plus que jamais l'aboutissement d'un processus patient,
rationalisé, préalable et non coercitif de collationnement de la preuve
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