Hors collection - L'audition libre : de la pratique à la réforme - 18

ENJEu D'uNE prAtIquE profESSIoNNELLE

13. Du dédoublement des auditions libres. quand le législateur de 2011
a fait référence à l'audition libre comme une alternative à la garde à vue,
les pénalistes ont cherché dans le code ce statut et fort logiquement se
sont rapprochés de la notion d'audition libre du témoin. Il y avait et il y a
toujours deux auditions libres en procédure pénale : celle des témoins qui
depuis la loi du 15 juin 2000 ne peuvent plus être placés en garde à vue et
celle des mis en cause. La distinction se faisant à travers cette notion de
« personnes à l'encontre desquelles il n'existe aucune raison plausible de
soupçonner qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction [...] »16
pour l'audition libre du témoin.
14. De la non contribution à sa propre incrimination. Le Conseil
constitutionnel dans la décision qpC du 18 novembre 2011 a précisé que :
« Le respect des droits de la défense exige qu'une personne à l'encontre de
laquelle il apparaît, avant son audition ou au cours de celle-ci, qu'il existe des
raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une
infraction pour laquelle elle pourrait être placée en garde à vue, ne puisse
être entendue ou continuer à être entendue librement par les enquêteurs
que si elle a été informée de la nature et de la date de l'infraction qu'on
la soupçonne d'avoir commise et de son droit de quitter à tout moment les
locaux de police ou de gendarmerie ». L'information de la nature et de la
date des faits permet à l'interrogé de savoir ce qui lui est reproché avant de
commencer à s'exprimer. Cette exigence revient à lutter contre la technique
des p.V d'enferrement où la forme la plus aboutie consistait pour le policier
à faire asseoir l'individu et lui dire d'un air grave « Monsieur vous savez
pourquoi je vous ai convoqué ? » il s'ensuivait parfois un long monologue
où le brave citoyen affaibli par l'attente consécutive à la convocation
reconnaissait spontanément les faits, voir d'autres faits. La question de la
loyauté17 était posée bien que l'exigence de loyauté attendue du policier
ne soit pas celle exigée du magistrat et que sortant du « monde des bisounours » on puisse intégrer que le travail policier reposait aussi sur certaines
ruses dont la limite était la provocation à l'infraction18. Aujourd'hui on
peut s'interroger si sous couvert de loyauté, toute ruse, tout bluff, tout
mensonge n'est pas interdit au policier ? La question de la compatibilité

16. Article 62.
17. V. perrocheau, « Les fluctuations du principe de loyauté dans la recherche des
preuves », Petites affiches n° 99 p. 6-17. Cass. Crim. 3 avril 2007, n° 07-80.807, AJ Pénal
2007, p. 285, obs. G. royer.
18. M. Schwendener, « L'action de la police judiciaire confrontée à l'exigence de loyauté »,
AJ Pénal 2005, pp. 267-271.

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