Guide pratique - Droit du cautionnement - 1re - 207

L'INCIDENCE DU RISQUE D'INSOLVABILITÉ SUR L'OPÉRATION DE CAUTIONNEMENT

date à laquelle le débiteur a commis la fraude, et la date à laquelle est exercée
l'action paulienne.
Au moment de l'acte frauduleux d'abord, il est exigé que le créancier soit titulaire
d'un principe de créance. En effet, si le créancier ne l'est devenu qu'après l'acte
frauduleux, il ne peut a priori se plaindre d'une fraude dirigée contre lui. En revanche, un principe de créance est suffisant ; nul besoin au jour de l'acte frauduleux
d'une créance certaine, liquide et exigible81. La jurisprudence est même allée plus
loin en admettant une exception à cette condition d'antériorité de la créance : l'action
paulienne peut être exercée contre un acte antérieur à la créance en cas de fraude
anticipée, c'est-à-dire s'il est démontré qu'au jour de l'acte, le débiteur anticipait la
naissance d'une créance et agissait à dessein en vue de nuire à un créancier futur82.
Nul doute, par conséquent, que la caution puisse exercer l'action paulienne contre le
débiteur qui aurait agit en vue d'échapper à un recours avant ou après paiement ; il
n'est pas même nécessaire, pour l'admettre, de s'interroger sur la date de naissance de la créance de recours.
Les conditions relatives à la créance du créancier agissant sont plus strictes au
jour de l'exercice de l'action paulienne. En effet, l'action paulienne est plus
qu'une simple mesure conservatoire, de sorte que le créancier doit faire état
d'une créance certaine, liquide et exigible au jour de son action, ou du moins
au jour où le juge statue83. La caution ne pourrait donc exercer l'action paulienne
contre le débiteur qu'après avoir payé le créancier - du moins si elle paie avant
que le juge ne statue -, ou encore si les conditions d'un recours avant paiement
sont réunies.
286 › Les conditions de l'action paulienne (3) : la fraude - La fraude du débiteur
est le cœur de l'action paulienne. Elle est aujourd'hui caractérisée par la seule
connaissance qu'avait le débiteur du préjudice créé à son créancier en se rendant
insolvable ou en aggravant son insolvabilité84. La caution n'est donc pas contrainte
de prouver l'intention délibérée du débiteur de tenir en échec ses droits. La
démonstration de la seule fraude du débiteur ne suffit toutefois pas à priver
l'acte d'efficacité dès lors que ce dernier a été conclu avec un tiers. Le créancier
devra à tout le moins appeler ce tiers cocontractant dans la cause85. Il convient
ensuite de distinguer si l'acte attaqué a été conclu à titre gratuit ou à titre onéreux.
Dans la première hypothèse, il n'est pas nécessaire de démontrer la complicité du
tiers86. Au contraire, le créancier devra prouver la fraude du tiers lorsque l'acte
litigieux a été consenti à titre onéreux87. Ces solutions jurisprudentielles ont
81. V. supra nº 108.
82. Cass. 1re civ., 7 janv. 1982, Bull. civ. I, nº 4, pourvoi nº 80-15960 ; Cass. 3e civ., 27 juin 1972, Bull. civ. III,
nº 420, pourvoi nº 71-11786.
83. Cass. 1re civ., 16 mai 2013, pourvoi nº 12-13637, Bull. civ. I, nº 98 ; AJ fam. 2013, 381, obs. LEVILLAIN ; RTD civ.
2013. 607, obs. H. BARBIER ; JCP 2013, nº 869, note Ph. SIMLER.
84. Cass. 1re civ., 14 févr. 1995, Bull. civ. I, nº 79, pourvoi nº 92-18886 ; Cass. 1re civ., 12 déc. 2006, Bull. civ. I,
nº 547, pourvoi nº 04-11579 ; Cass. 3e civ., 13 févr. 2013, pourvoi nº 11-26878.
85. Cass. 1re civ., 6 nov. 1990, Bull. civ. I, nº 229, pourvoi nº 89-14948.
86. Cass. com., 24 janv. 2006, pourvoi nº 02-15295 ; Cass. 1re civ., 15 mai 2015, pourvoi nº 1416652.
87. Cass. 1re civ., 27 juin 1984, Bull. civ. I, nº 211, pourvoi nº 83-12749 ; Cass. 1re civ., 28 mai 2008, pourvoi nº 0713095.

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