L'expert - Le statut des baux commerciaux - 1re - 161

TEXTE DU CODE
DE COMMERCE
Article L. 145-29 (suite)

ANNOTATIONS ET JURISPRUDENCE
Le paiement par un tiers qui n'est pas subrogé dans les droits du créancier éteint
la dette, et le versement par le nouveau propriétaire des murs, de l'indemnité d'éviction due par le précédent propriétaire a éteint la dette d'indemnité
d'éviction alors que le locataire évincé n'avait pas d'intérêt légitime à refuser ce
paiement (Cass. 3e civ., 11 juill. 2019, n° 18-16866 ; Gaz. Pal., 12 nov. 2019,
p. 64, note C.-E. Brault).
C'est alors le montant intégral de l'indemnité d'éviction, augmentée le cas
échéant des intérêts au taux légal, qui doit être versé ou consigné. À défaut, la
condition légale n'est pas remplie pour que la pénalité de l'article L. 145-30
soit acquise le cas échéant au bailleur à défaut de restitution des locaux (Cass.
3e civ., 5 déc. 2001, n° 99-14987, AJDI 2002, p. 216 - CA Paris, 6 déc. 2017,
n° 17/08019, Loyers et copr. 2018, comm. 18).

Versement direct
au locataire

Seul le versement de l'indemnité entre les mains d'un séquestre offre au bailleur
toutes garanties, notamment pour une indemnité de perte de fonds de commerce (cf. obs. P.-H. Brault sous TGI Paris, 24 nov. 1994, Gaz. Pal. Rec. 1995,
1, som., p. 51), mais rien n'interdit ce versement direct expressément prévu
par le texte légal.

Versement
entre les mains
d'un séquestre

Le versement à un séquestre s'avère souhaitable pour protéger efficacement les
intérêts du bailleur qui, après s'être dessaisi de l'indemnité d'éviction, pourrait
se trouver démuni à défaut par le preneur d'avoir restitué les locaux à l'expiration du délai de 3 mois imparti par l'article L. 145-29.
La désignation d'un séquestre intervient donc souvent à la requête du bailleur à l'occasion de l'instance au fond qui aboutit à la fixation de l'indemnité
d'éviction. Mais le texte légal laisse également aux parties la faculté de faire
désigner le séquestre par voie de requête : une jurisprudence a estimé qu'une
telle démarche traduirait un comportement caractérisant la mauvaise foi en
l'absence d'un désaccord du preneur sur le décompte établi (CA Paris, 29 juin
2005, n° 03/17727, Loyers et copr. 2005, comm. 205, obs. P.-H. Brault), mais
ce défaut d'accord doit porter sur le principe même de la désignation d'un
séquestre ou sur le nom du séquestre qui serait désigné (CA Paris, 24 mai 2006,
n° 05/05444, AJDI, nov. 2006, p. 824). À défaut d'accord entre les parties, le
séquestre est donc désigné dans l'intérêt du bailleur qui en supportera les honoraires (CA Paris, 17 oct. 2003, n° 02/09853, Loyers et copr. 2004, comm. 71).
Une décision a stigmatisé le comportement malicieux du bailleur dans la
désignation d'un séquestre (CA Paris, 14 déc. 2005, n° 04/15583, Loyers
et copr.  2006, comm.  133), mais elle a été censurée pour violation des
articles L. 145-29 et L. 145-30 Code de commerce, tandis qu'un comportement
fautif du bailleur ne peut être sanctionné que par l'allocation de dommages et
intérêts (Cass. 3e civ., 27 juin 2007, n° 06-12345, Gaz. Pal., 4 mars 2008, p. 16 ;
Loyers et copr. 2007, comm. 223, note P.-H. Brault).

Intérêts

Lorsque l'indemnité d'éviction reste légitimement entre les mains du séquestre,
elle ne porte pas intérêts au profit du locataire, sauf mauvais vouloir du bailleur
qui multiplie les procédures pour interdire au séquestre de libérer les fonds
(Cass. 3e civ., 4 juill. 2001, n° 97-20663, Gaz. Pal. Rec. 2002, jur., p. 71, note
P.-H. Brault ; Administrer, janv. 2002, p. 23, note J.-D. Barbier), mais les produits financiers dégagés bénéficient de plein droit au créancier de l'indemnité,
dès la mise sous séquestre (Cass. 3e civ., 3 déc. 2003, n° 02-10890, AJDI 2004,
p. 285).

Notification
du versement

L'article L. 145-29 ne prévoit pas les modalités d'information du locataire du
versement de l'indemnité d'éviction, mais précise simplement que le versement
doit être « notifié » au locataire. Il a été jugé qu'il appartenait dès lors au bailleur
d'aviser le locataire du versement de l'indemnité entre les mains du séquestre
et qu'aucune faute ne peut être imputée au séquestre pour ne pas avoir informé
le preneur du versement effectué entre ses mains (Cass. 3e civ., 18 janv. 1989,
n° 87-12468, Loyers et copr. 1989, comm. 186). Il appartient donc au bailleur
de notifier les dispositions prises en vue du paiement de l'indemnité d'éviction
et la date effective du versement de celle-ci.

Code de commerce. Première partie : Législative · 161 

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