L'expert - Le statut des baux commerciaux - 1re - 52

TEXTE DU CODE
DE COMMERCE
Article L. 145-5 (suite)

Délai
d'opposition
du bailleur
au maintien dans
les lieux

ANNOTATIONS ET JURISPRUDENCE
Avant la réforme du 18 juin 2014, la jurisprudence décidait qu'en cas de
maintien dans les lieux, le locataire bénéficiait du droit au statut le lendemain de l'expiration du bail dérogatoire (Cass. 3e civ., 20 févr. 1985, Gaz.
Pal. Rec. 1985, 2, pan., P. 274 ; Rev. loyers 1985, 291 - Cass. 3e civ., 13 janv.
1988, Gaz. Pal. Rec. 1989, 1, som., p. 160, note J.-D. Barbier). Aucune durée
de possession n'était imposée. Il suffısait qu'elle soit tolérée (J. Derruppé, Rev.
dr. immob. 1988, p. 511 - contra : B. Boccara, JCP G 1996, I, doct., p. 3898).
La loi du 18 juin 2014 a complété l'alinéa 2 de l'article L. 145-5 Code de
commerce en accordant un délai supplémentaire d'un mois au bailleur pour
manifester son opposition au maintien dans les lieux du preneur. Le même
délai profite au preneur qui souhaite partir.
Jusqu'à présent, la Cour de cassation décidait que pour éviter la formation d'un
bail soumis au statut, le propriétaire devait manifester son intention, avant la
fin du bail, de ne pas laisser le preneur en possession, la charge de la preuve
pesant sur lui (Cass. 3e civ., 27 juin 1990, Loyers et copr. 1990, n°  472 ; Gaz.
Pal. 1990, pan., p. 212 - Cass. 3e civ., 4 mai 2010, n° 09-11840, Gaz. Pal.,
17 juill. 2010, p. 34, note C.-E. Brault ; Administrer, juill. 2010, p. 30, note
D. Lipman-Boccara). Il devait demander au preneur, avant l'expiration du
bail dérogatoire (ou des baux successifs n'excédant pas trois ans), de quitter
les lieux (Cass. 3e civ., 1er juin 1994, n° 92-12186, Gaz. Pal. Rec. 1994, jur.,
p. 704, note J.-D. Barbier - Cass. 3e civ., 25 juin 2003, Administrer, oct. 2003,
p. 37, note J.-D. Barbier), la seule manifestation de volonté du bailleur de ne
pas poursuivre la relation contractuelle étant suffisante (Cass. 3e civ., 5 juin
2013, n° 12-19634, Gaz. Pal., 2 août 2013, p. 25, note C.-E. Brault). Selon
cette jurisprudence, si le propriétaire attendait deux jours après l'expiration
du bail (ou des baux successifs autorisés par la loi du 4 août 2008) pour manifester son intention de reprendre les locaux, il s'opérait un bail commercial
(Cass. 3e civ., 2 juin 2004, n° 03-13377, Administrer, août-sept. 2004, p. 19,
note B. Boccara).
Depuis la réforme du 18 juin 2014, le bailleur qui a omis de manifester son
opposition au maintien dans les lieux du preneur, avant l'expiration du bail
dérogatoire, peut réagir au plus tard dans le délai d'un mois à compter de
l'échéance du bail. Dans cet ultime délai, le bailleur doit notifier clairement
à son locataire, de préférence par acte d'huissier ou à tout le moins par lettre
recommandée avec avis de réception, qu'il s'oppose à son maintien en possession. À défaut d'une telle manifestation de volonté, au plus tard dans le délai
d'un mois après l'échéance du bail, le bailleur aura alors « laissé en possession » le preneur, ce qui donnera naissance à un bail commercial.
Ce délai d'un mois est un délai préfix. Bien qu'il ne s'agisse pas d'un délai de
procédure, il doit être calculé conformément aux article 640 et 641 al. 2 Code
de procédure civile, de quantième en quantième. Ainsi, par exemple, pour un
bail dérogatoire expirant le 15 mars, le bailleur pourra notifier son opposition
au maintien dans les lieux du preneur au plus tard le 15 avril suivant. Mais
pour un bail dérogatoire expirant le 31 mars, le bailleur devra notifier son
opposition au plus tard le 30 avril suivant.

Formation
d'un bail
commercial

La règle rigoureuse, qui exigeait une manifestation de volonté du bailleur avant
le terme du bail, se trouve donc assouplie par la loi du 18 juin 2014, grâce à
ce délai supplémentaire d'un mois, après l'échéance du bail.
Le maintien du preneur dans les lieux au-delà de la date ultime prévue par
la loi donne naissance à un bail commercial, quelle que soit la durée du bail
dérogatoire, même si la durée totale d'occupation n'a pas excédé trois ans
(Cass. 3e civ., 8 juin 2017, n° 16-24045, Administrer, juill. 2017, p. 28, note
J.-D. Barbier - D. 2017, p. 1248, obs. Y. Rouquet).
Il a été jugé que si après une ordonnance de référé prononçant l'expulsion du
preneur, le bailleur ne poursuit pas l'exécution et perçoit des indemnités d'occupation égales aux loyers révisés, pendant plus de deux ans, il s'opère un bail
soumis au statut (CA Chambéry, 16 juill. 1987, Loyers et copr. 1987, n° 402).

52 · LE STATUT DES BAUX COMMERCIAUX

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